samedi 25 janvier 2014

Daniel Pennac : DES CHRETIENS ET DES MAURES, Gallimard, 1996


"Je veux mon papa !" Voilà bien l'exigence à ne pas avoir dans la famille Malaussène, car si la fratrie est nombreuse et diverse, les pères sont aux abonnés absents. 

Ben aura bien de la peine à découvrir où se cache désormais le géniteur du "Petit", mais il y a urgence, car ce dernier a décidé de ne plus se nourrir, et on a beau lui présenter les meilleurs plats, il s'en tient à : "Je préfèrerais mon papa !".

"- Des conneries, trancha Jérémy, paternité biologique, mes glandes !
Premier argument d'une tirade enflammée tout au long de laquelle Jérémy (mais, l'ai-je bien compris ?) s'attacha à démontrer que le père est une hypothèse dont on peut fort bien se passer, et que, dans tous les cas de figures, si notre mère commune avait pris la décision d'écarter nos géniteurs à l'heure de notre arrivée, c'était vraisemblablement en toute connaissance de cause, "elle avait ses raisons, maman", qui ne pouvaient qu'être les bonnes, vu que maman "n'avait pas l'air comme ça", mais qu'elle "savait ce qu'elle faisait, maman !" 

Dans ce nouvel épisode de la saga des Malaussène, Daniel Pennac continue sur sa lancée et nous attache, une fois de plus, aux personnages de la tribu, à leurs traits de caractères spécifiques et à leur cohésion à toute épreuve malgré (ou grâce) aux frasques de leur mère. 

Comme vous le verrez, la lecture a parfois des effets secondaires étonnants !

vendredi 24 janvier 2014

Carole Martinez : DU DOMAINE DES MURMURES, Gallimard, 2011



Après "Le coeur cousu", Carole Martinez confirme ses talents de conteuse et reste fidèle à son sujet de prédilection, la femme. 

C'est par le biais d'un phénomène relativement courant au Moyen-Age, à savoir le reclusoir, qu'elle dresse le portrait d'une femme rebelle, non seulement à l'ordre établi qui veut qu'on accepte le mari qui vous a été choisi, mais contre l'Eglise elle-même et son mysticisme plus proche de la superstition que de la sainteté. Ce n'est pas Dieu qui aidera cette toute jeune fille emmurée de son plein gré, a supporter les privations, mais son amour pour le petit être qu'elle porte et met au monde en secret. 

Tout est paradoxe dans ce roman. C'est grâce à la réclusion qu'Esclarmonde va connaître le monde, vivre la croisade de son père et de ses frères, communiquer avec les autres recluses de la région, découvrir la sensualité dans l'épanouissement de son amie et les chants d'un troubadour, et éprouver l'ivresse du pouvoir que sa situation lui confère. 

"Je ne pensais pas avoir accompli de vrais miracles, mais je ne pouvais nier la démission de la mort. Car les gens du pays ne mourraient toujours pas. Nul n'expirait sur les terres des Murmures et, à l'exception de quelques étrangers, on n'y avait plus enterré personne depuis ma réclusion. Et voilà ce que je ne m'expliquais. pas.
Mon fils m'empêchait de trop me griser de cette étrange emprise que j'avais sur les gens. J'aurais pu leur demander n'importe quoi en échange de la rémission de leurs péchés et ce pouvoir, dont je me gardais d'user, était dangereusement exaltant. J'avais charge d'âmes. Lothaire ne pouvait comprendre la force que m'avait offerte ma position, il tentait en chantant d'effriter les pierres."

Ce qui, selon les déclarations de Carole Martinez elle-même, ne devait être qu'un chapitre d'un autre livre,  a abouti à un roman documenté certes, mais qu'on ne peut traiter d'historique. Il se contente de nous murmurer, à nous lecteurs du XXIe siècle, les secrets qui se cachent parfois derrière une épitaphe gravée dans la pierre dans vieux château. 

jeudi 23 janvier 2014

Plonk et Replonk : FEERIES MILITAIRES, Plonk et Replonk Editeurs, 2010


Fééries militaires, 1515-2015 : cinq siècles de résistance héroïque, c'est le titre l'exposition qui a été présentée en 2010 au Musée Militaire de  Colombier. Serait-ce  à dire que les militaires peuvent avoir de l'humour ?

En tout cas, Hubert et Jacques Froidevaux, eux, n'en manquent pas. Ils n'ont de cesse de détourner les images, les monter, les coller, pour démonter l'imagerie populaire et les "récits épiques des grandes figures militaires qui ont sculpté ce monde", à savoir la Suisse et son armée de milice.


Hubert et Jacques Froidevaux
De l'entraînement aux archives déclassées en passant par les corps d'armée de l'air, de terre et même de mer, sans oublier la cavalerie, ce bijou est un florilège de montages plus drôles les uns que les autres. 


Exercice de tir, mode Guillaume Tell

Grandes manoeuvres navales dans les Alpes

A en croire le billet de François Morel diffusé sur France Inter le 3 janvier dernier, il semble bien qu'il ne soit pas nécessaire d'être Suisse pour apprécier l'humour et la créativité de ces deux lascars http://www.franceinter.fr/video-le-billet-de-francois-morel-plonk-et-replonk

Je ne peux que vous recommander d'avoir à portée de main ce petit opuscule et d'y jeter un coup d'oeil de temps en temps. 

samedi 11 janvier 2014

Laurent Gaudé : ELDORADO, Actes Sud, 2006


Avoir passé 20 ans de sa vie à croire à son rôle de gardien de la forteresse Europe et se rendre compte, soudain, de l'absurdité et de la vacuité de son métier, voilà ce qui arrive à Salvatore Piracci, commandant de frégate, chargé de surveiller les côtes où viennent s'échouer les clandestins de tous bords. Bien sûr il sauve des vies, mais pourquoi ? Pour les remettre ensuite dans les camps de rétention ? Pour les renvoyer dans leur pays et les voir revenir ?

"Lorsque je pense à ces hommes qui ont le regard fixé sur l'horizon avec impatience et appétit, je les envie. Je me dis que je ne suis que la malchance, le visage laid de la malchance. Ceux que j'attrape ne sont qu'une infime partie de ceux qui tentent la traversée. Ceux que j'intercepte sont ceux qui n'ont même pas la chance de leur côté."

Ses convictions vacillent lorsqu'une rescapée, le retrouve, trois ans plus tard et lui demande une arme pour pouvoir se venger des passeurs qui les ont abandonnés en pleine mer.

Parallèlement, Soleiman commence son périple du Soudan à la côte afin de rejoindre cet Eldorado que représente l'Europe. Il participe à l'un des assauts menés par des centaines d'immigrés contre les barbelés qui séparent la frontière du Maroc et de l'Espagne à Ceuta et Melilla. 

Le destin les fera se rencontrer dans une circonstance paradoxale et c'est là tout le secret de l'art de Laurent Gaudé.

Il sait construire des romans à partir de faits d'actualité (rappelons-nous "Ouragan") sans jamais tomber dans la banalité. Il crée des personnages qui incarnent les drames que nous lisons trop souvent dans nos journaux sans théoriser, sans prétendre avoir de solution, mais en nous rappelant l'essentiel, à savoir qu'il s'agit d'abord d'être humains.

Un livre fort et efficace.

samedi 4 janvier 2014

Arto Paasilinna : LA DOUCE EMPOISONNEUSE, DeNoël, 2001


Une vieille dame s'en va en enfer !

De son vivant d'abord, car malgré des apparences paisibles, sa vie est un cauchemar à chaque versement de sa pension de veuve de colonel. Elle est tyrannisée par son neveu et deux de ses compagnons qui ne manquent jamais de venir exiger leur part. Jusqu'au jour où sentant sa vie elle-même en danger, elle préfère se concocter un poison à s'administrer avant de subir de nouvelles humiliations.

Mais la vie en décide autrement et lorsqu'elle trépasse finalement, ce sera pour rejoindre à son tour l'enfer, le vrai, l'éternel. Elle n'en restera pas moins une Dame !

C'est avec ce petit roman que je découvre Arto Paasilinna. J'apprends qu'il a écrit plus de 35 romans, même si l'écriture ne fut pas son premier métier. Mais à lire celui-ci, cela ne m'étonne qu'à moitié, tant la narration semble aller de soi. Le style est souple et porte agréablement le lecteur d'un chapitre à l'autre, d'une péripétie à la suivante.
J'ai eu du plaisir à le lire.