dimanche 15 mars 2015

Ersi Sotiropoulos : DOMPTER LA BÊTE, Quidam Editeur, 2011 (2003)


La Grèce du début des années 2000, dans la période d'euphorie qui a précédé les jeux Olympiques à Athènes, avant que la crise ne soit déclarée, mais alors que toutes les prémisses y sont bien présentes : un conseiller de ministre qui ne met pratiquement jamais les pieds au ministère, d'anciens opposants aux colonels qui ne sont plus trop gênés par la corruption, des embourgeoisés se réfugiant dans les beaux quartiers, à l'abri de la réalité.... et une Athènes croulant sous les embouteillages. Tel est le décor de ce roman qui, en une vingtaine de jours fait basculer toute une famille dans une crise existentielle.

Un jeune homme à bonnet rouge va jouer le jeu de catalyseur du Visiteur du film Théorème de Pasolini. Il n'en est pourtant pas le protagoniste, mais sa présence va faire exploser le semblant d'équilibre de routine qui lie encore les membres d'une famille. 

Le père est celui qui sera le plus déstabilisé, lui qui, entre un passage en coup de vent au ministère et un rendez-vous sado-maso avec sa maîtresse s'efforce de retrouver la verve poétique de sa jeunesse, oubliant à quel point il a trahit ses idéaux.

"Ses réticences vis-à-vis du gouvernement, par instants, remontaient à la surface. Ce qui le gênait d'habitude, c'était un détail, un épisode isolé comme celui de Takòpoulos, ou le culot d'un blanc-bec sorti de nulle part qui agissait impunément, ses arrières protégées. Les hommes, voilà le problème. Les contacts humains lui donnaient la nausée, parler avec un imbécile faisait monter sa tension et par malheur, dans sa position il était souvent obligé d'expliquer ce qui allait de soi. Mais la politique en tant qu'idéologie et système de valeurs ne l'intéressait plus. Qui se souciait d'idéologie à présent ? La langue était en bois massif, ceux qui la parlaient le savaient mieux que personne. Le parcours du parti, du profil tiers-mondiste à la majorité absolue, des slogans de tribune aux privilèges douillets du pouvoirs, de la vision socialiste au charme discret de la bourgeoisie, n'était qu'une course haletante afin de sauver les apparences."

C'est un roman agaçant, dérangeant, qui ne nous laisse jamais nous reposer sur un acquis et qui nous force toujours à revoir l'opinion qu'on se fait de l'un ou de l'autre. 

C'est la première fois que je lis du Ersi Sotiropoulos, mais elle a su me convaincre de son talent et je vais l'ajouter à la liste des auteurs que j'aime suivre. 

dimanche 8 mars 2015

Ken Follet : LA MARQUE DE WINDFIELD, Laffont, 2002


Le monde de la banque à Londres,  en pleine époque victorienne, voilà le cadre de ce roman fleuve. 

Ken Follett suit la vie, sur une trentaine d'années,  de six jeunes hommes liés par le secret d'un meurtre commis dans leur collège de Windfield. L'assassin n'est pas celui que l'on croit et le suspens est bien gardé. 

Mais l'intrigue "policière" n'est pour l'auteur, que le prétexte à peindre une large fresque des moeurs de la bonne bourgeoisie en quête d'anoblissement, à dérouler les aléas de la saga de la famille Pilaster, comptant parmi les banquiers les plus en vue de l'époque. 

"Maisie savait par le père de Rachel que, dans la City, on considérait Hugh comme un prodige. Quand il parlait de la banque, ses yeux pétillaient, il était intéressant et drôle. Mais, si jamais leur conversation touchait aux affaires domestiques, il devenait maussade et taciturne. Il n'aimait pas parler de sa maison, de sa vie mondaine ni surtout de sa femme."

Ken Follet a l'art du roman-feuilleton, sans que ce soit péjoratif de ma part. Il manie de multiples personnages, il imagine des situations de rupture, il décrit le monde de la finance avec précision, il n'hésite pas à créer des rebondissements dans son récit, bref, il se lit d'une traite, car il sait nous captiver. 

Un petit bémol, cependant, sa vision du monde est très manichéiste et les bons restent bons, les méchants restent méchants.... jusqu'à la fin.