mardi 23 décembre 2014

Malika Oufkir, Michèle Fitoussi : LA PRISONNIERE, Poche, 2000


Je n'aime pas spécialement les autobiographies quand celles-ci sont ré-écrites par un journaliste ou un autre romancier. Mais le destin de la famille Oufkir m'intéressait, et on m'avait recommandé ce livre chaleureusement.

Malika Oufkir, a été adoptée par le roi Mohamed V pour tenir compagnie à sa fille et fut donc séparée de ses parents toute petite. Elle grandit dans un monde de facilités, de caprices, de mondanités et de rigueur dans les principes.... Toute cette première partie m'a ennuyée, même si j'ai découvert à quel point les moeurs du palais royal étaient (sont peut-être encore ?) coupés de la réalité, avec son harem et ses esclaves. 

Revenue dans son foyer natal vers l'âge de 15-16 ans, elle poursuit ses études, tout en profitant de voyager, de rencontrer la jet set et de participer à la vie aisée et insouciante des jeunes filles de sa classe sociale. 

Malika Oufkir
En 1972, son père, le général Oufkir, participe à une tentative d'attentat contre le roi Hassan II. Il est exécuté et sa femme et ses six enfants sont envoyé en captivité dans le sud marocain. Ils y sont détenus dans des conditions de plus en plus atroces pendant 19 ans !  Jusqu'à ce que Malika, son frère et deux de ses soeurs réussissent à s'en évader.


Michèle Fitoussi
S'il est difficile de critiquer cette deuxième partie du livre, du fait de l'horreur de ce qu'elle a vécu, du traumatisme causé, mais aussi du courage et de l'endurance qu'il aura fallu à toute cette famille pour tenir bon, je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque à ce témoignage le recul que Michèle Fitoussi aurait pu y apporter. Mais peut-être n'était-ce pas leur propos.

Même si certains événements font l'objet d'une note de bas de page, on reste dans le témoignage personnel et certainement pas dans un ouvrage permettant de comprendre une période de l'histoire du Maroc.

J'ai ressenti cette frustration tout au long du livre, mais c'est certainement dû au fait que c'est moi qui me suis trompée de lecture.

lundi 22 décembre 2014

Amélie Nothomb : LE VOYAGE D'HIVER, Albin Michel, 2009


On sait combien Amélie Nothomb aime se mettre en scène dans ses romans, mais dans celui-ci, on croit la reconnaître dans les trois personnages à la fois :

  • Zoile, le narrateur qui ne prépare pas moins d'un suicide amoureux, en fomentant un attentat à la bouteille de champagne
  • Aliénor, l'écrivaine surdouée, autiste s'il en est
  • Astrolabe, l'amoureuse empêchée, gardienne de l'intégrité physique et psychique de l'écrivaine
La trame est simple : faute d'avoir pu concrétiser son amour pour Astrolabe, Zoile se prépare à détourner un avion pour le faire s'écraser sur la Tour Eiffel.

"Tomber amoureux l'hiver n'est pas une bonne idée. Les symptômes sont pus sublimes et plus douloureux. La lumière parfaite du froid encourage la délectation morose de l'attente. Le frisson exalte la fébrilité. (...) L'hiver et l'amour ont ceci de commun qu'ils inspirent le désir d'être réconforté d'une telle épreuve ; la coïncidence de ces deux saisons exclut le réconfort. Soulager le froid par la chaleur écoeure l'amour d'une impression d'obscénité, soulager la passion en ouvrant la fenêtre sur l'air vif envoie au tombeau en un temps record."

Loin d'avoir lu tout Amélie Nothomb, ce roman-là, ne sera pas celui que je retiendrai. Pas désagréable, bien au contraire, mais un peu trop linéaire à mon goût.

mercredi 10 décembre 2014

Claude-Sophie Gibrat : J'AI BIEN CONNU TA MERE, Les éditions du Net, 2014


Reçu hier matin par la poste, avec une gentille dédicace de l'auteure, dévoré d'une seule traite, je suis encore sous le coup de l'émotion, au moment où j'écris ces quelques lignes.

Après la mort de sa mère, Camille, met cinq ans avant d'oser ouvrir les cahiers d'écriture qu'elle a laissé derrière elle. Trop de peine, trop de difficulté à l'exprimer, le deuil ne se fait pas...

Mais lorsqu'elle les ouvre, elle découvre que sa mère, encore toute jeune, a vécu un amour dévorant qui ne pouvait mener qu'à la rupture. 

"Le vacarme de ma pensée est un peu apaisé et je retrouve chaque jour une écriture plus normale.
Je sais maintenant que l'écriture m'a sauvée de quelque chose qui s'apparentait, je pense, à de la folie. Longtemps, j'ai cru que l'écriture me libérait mais elle ne me libérait pas, elle me donnait vie."

Camille qui a toujours vu sa mère écrire, comprend à quel point cette activité était vitale pour elle et combien cet amour de jeunesse l'a poursuivie sa vie durant. Elle décide de retrouver l'homme que sa mère ne désigne que par l'initiale "R".

Le roman de Claude Sophie Gibrat alterne intelligemment les extrait des carnets de la mère et l'enquête que Camille entreprends. 

J'ai été très sensible à la pudeur et, à la fois à l'audace, de l'auteure, qui ne cache pas le côté autobiographique, même si elle présente son premier roman comme une oeuvre de fiction. Jusqu'au dénouement de l'enquête, elle fait preuve aussi de courage et de persévérance. Elle lutte contre un sentiment de culpabilité envers son père, ce d'autant plus que leurs relations se sont dégradées suite au décès de la mère.

"En perdant ma mère, j'ai aussi perdu mon père, du moins celui que je connaissais ou que je croyais connaître".

Plus j'ai avancé dans la lecture et plus j'ai eu l'impression que pour Claude-Sophie Gibrat aussi, l'écriture de ce roman, a été un moyen de dépasser le deuil, de se libérer d'une peine trop grande et de retrouver le goût de la vie.

S'agissant d'un premier roman au caractère si personnel, on peut se demander s'il sera suivi d'un second. C'est à souhaiter, car le style, la construction, le côté suspens de l'enquête et surtout, la profonde honnêteté avec laquelle les sentiments sont exprimés, démontrent un vrai talent d'écrivaine !

Claude-Sophie Gibrat est une artiste peintre. Vous pouvez découvrir ses oeuvres sur son blog : les peintures de Norma C

mardi 2 décembre 2014

Régis Messac : QUINZINZINZILI, Arbre vengeur, 2007


Régis Messac ? Je n'en avais jamais entendu parler. La Science fiction ? Je suis inculte. Alors, c'est sur la pointe des pieds que je me suis finalement résolue à ouvrir ce livre au titre imprononçable qui m'avait été offert il y a au moins deux ou trois ans.

Grave erreur de ma part ! C'est une découverte ! Celle d'un auteur, qui, ayant connu la guerre de 14-18 et ses absurdités, imagine dès 1935, la prochaine guerre mondiale. Lorsque l'on sait ce qui s'y est passé, on peut se demander s'il a vraiment fait oeuvre de science fiction, ou s'il péchait plutôt d'une lucidité implacable.

Mais son pessimisme est encore plus grand et il imagine que cette future guerre est eschatologique. Gérard Dumaurier et un groupe de quelques gamins, dont une fille, semblent les seuls survivants à la catastrophe engendrée par une arme de guerre si puissante que toute civilisation a été engloutie. 

C'est avec un regard désabusé et même pas curieux, que le narrateur regarde ce groupe de gamins "ignares, ahuris, vicieux, superstitieux, peureux" recréer une humanité brutale et imbécile.

Comment ne pas penser à "Sa majesté des mouches" de Golding ? Mais ici pas de bateau salvateur....

"Je n'ai plus du tout la conscience du temps. Serais-je déjà mort? Mais depuis quand ?
Il faudrait pourtant fixer la date. Car, il n'y a pas à dire, ma mort sera un événement, un événement historique. Je suis le pont, la passerelle qui relie deux mondes, le frêle et obscur trait d'union entre les deux humanités, le dernier des hommes fossiles, ou plutôt, tout simplement, le dernier des hommes. Car, ceux-la, les autres, Ilayne et son sérail, ce ne sont plus des hommes. Et leurs descendants seront tout autre chose. Si différents ! Moi disparu il n'y a plus d'homme. Je suis la fin. Le point final. Un point, à la ligne."

Ironie de l'Histoire, la date exacte de la mort de Régis Messac n'est pas connue, car la réalité dépassant parfois la fiction, il est mort en déportation en 1945.