mardi 20 août 2013

Toni Morrison : UN DON, Christian Bourgeois, 2009


Premier livre que je lis de cette auteure qui, bien qu'ayant reçu le prix Nobel, m'était restée inconnue.

Je dois avouer que j'ai dû m'y reprendre à deux fois, et m'y accrocher, non pas en raison du thème, mais de l'écriture elle-même. Je ne dois pas être la seule à m'être perdue entre les personnages et les passages écrits à la première personne et ceux plus narratifs. 

Et pourtant, j'aime les livres non linéaires. Peut-être aurait-il fallu que je révise mon histoire de la colonisation de l'Amérique du Nord, des débuts de la traite des Noirs et du XVIIe siècle en général, pour arriver à apprécier à sa juste valeur cet ouvrage pétri de symboles.

Ce n'est qu'à la toute fin du roman, que j'ai pu en avoir une vue d'ensemble et rétablir le déroulement des événements. Avec une furieuse envie de le relire, car malgré tout ce que je viens de dire, l'histoire de ces esclaves, quelle que soit la couleur de leur peau, quel que soit leur sexe, soumis aux règles encore non figées d'une société en devenir, dresse un portrait effrayant de l'Amérique naissante.

Les femmes surtout subissent la cruauté de cette époque, et même l'épouse du propriétaire terrien, n'est de fait qu'une "femme robuste, christianisée et apte dans tous les domaines domestiques, disponible en échange de bien ou d'argent". Alors que dire, de Lina, seule rescapée de sa tribu décimée par la maladie, de Sorrow, gamine trouvée après un naufrage, sans parler de Florens, esclave, fille d'esclave, cédée par son maître en guise d'acompte sur une facture qu'il ne peut honorer.

"Juste à ce moment-là, la petite fille sortit des jupes de sa mère. Elle avait aux pieds une paire de chaussures de femme bien trop grandes pour elle. Ce fut peut-être cette impression de licence, une insouciance nouvellement retrouvée accompagnant la vue de ces deux petites jambes surgissant comme deux ronces des souliers abîmés et brisés , qui le fit rire. Un rire sonore qui lui souleva la poitrine devant la comédie, devant l'irritation irrépressible, de cette visite. Son rire ne s'était pas encore apaisé lorsque la femme qui tenait le petit garçon blotti contre sa hanche s'avança. Sa voix était à peine plus qu'un murmure, mais il était impossible de se tromper sur son caractère pressant.
"Je vous en prie, Senhor. Pas moi. Prenez-la. Prenez ma fille".

Pas de doute, je vais le relire !

vendredi 16 août 2013

Guy Bedos : LE JOUR ET L'HEURE, Stock, 2008


Voilà un domaine, où je n'attendais pas forcément Guy Bedos, celui de la question du choix du jour et de l'heure de sa mort, tout du moins du choix de mourir dans la dignité.

Pour son premier roman, il se fait l'avocat de cette cause au travers de son personnage principal, metteur en scène ayant connu son heure de gloire, mais en "baisse de vitesse", mais surtout père aimant, peut-être même papa poule, de trois jeunes adultes. Malgré les réactions de ses enfants il ne changera pas d'avis, même s'il n'est pas forcément pressé, pressé de s'en aller. Car "Je veux mourir par amour de la vie. Debout".

Je me rends compte que cette présentation pourrait faire penser à un livre grave et triste. Au contraire et ce n'est pas étonnant quand on connaît l'humour sarcastique de l'auteur. Il a choisi de développer son sujet, en croisant le journal du père - que le fils découvre par hasard - et les réactions d'abord secrètes, puis partagées de ce dernier.  Un dialogue s'installe donc.

"Quant à toi, mon père, tu me désespères. Qu'est-ce qu'il te prend d'aller traîner du côté du supplément "ARGENT" du Monde ? Tu surveilles tes actions en Bourse, maintenant ? Ca te va bien ! Bonne idée d'aller te vautrer dans un dossier intitulé "Anticiper la dépendance". Sauf ton respect, tu cherches la merde, toi."

Ce n'est pas un grand roman. Mais c'est avec plaisir que je l'ai lu et je pourrais presque dire "entendu", tant le style rappelle le Bedos des one man show. Coups de gueule, émotion, humour, vacherie, tout y est.

dimanche 11 août 2013

Simonetta Greggio : L'ODEUR DU FIGUIER, Flammarion, 2011


Voilà cinq nouvelles qui méritent bien d'être réunies sous ce titre, tant le sud, la chaleur de l'été y sont présents.

Des gens ordinaires dont un événement, pas vraiment extraordinaire, vient bouleverser la vie, sans pour autant que celle-ci bascule du tout au tout, quoi que...
De petites histoires agréables qui se lisent rapidement, sans prise de tête.

Un couple d'enseignants passant toutes leurs vacances dans une vieille maison pas loin de la mer, un vieux gronchon qui reste prisonnier de l'ascenseur de son immeuble en plein mois d'août,  un couple qui se retrouve après des années d'errances chacun de leur côté... Rien de bien enthousiasmant.

"Quand ils revenaient de la mer, brunis et asséchés par le soleil et le sel, ils étaient si crevés qu'ils n'avaient m'eme plus la force de se parler. Aveuglée par le sable et la sueur, Chiara se traînait jusqu'à la salle de bains pendant que Tsvi s'aspergeait avec le tuyau du jardin. Après seulement ils s'étendaient sur les chaises longues et, en soupirant de bien-être, ils échangeait les premiers mots. Tout bas, comme pour ne pas déranger les derniers sifflements des oiseaux dans les citronniers. Ils se tenaient pas la main dans le crépuscule, le regard perdu dans le vide".

Simonetta Greggio , née en 1961, est italienne, mais écrit en français.