lundi 22 août 2016

Darina Al-Joundi, Mohamed Kacimi : LE JOUR OU NINA SIMONE A CESSE DE CHANTER, Actes Sud, 2008


Un récit qui m'a procuré un certain malaise, tant que je l'ai pris pour un "roman", malaise qui s'est largement dissipé lorsque j'ai visionné la vidéo que je poste ci-dessous.

Si certains silences et une certaine légèreté de ton - je pense notamment à la découverte des corps suite au massacre de Sabra et Chatila - passent lorsque Darina Al-Joundi raconte sur scène, en revanche, ce monologue qui ne dit pas son nom sous sa forme écrite est assez irritant.

Dans un pays où l'appartenance religieuse fait partie de l'identité de tout un chacun, une jeune Libanaise est élevée par son père avec pour seul point de repère la liberté. Une enfance dorée qui s'arrête brusquement à l'arrivée de la guerre civile. La jeune adolescente est rattrapée par le conflit, mais n'aura de cesse de s'en "extraire" (ou de s'en sortir) en faisant siens tous les débordements inhérents à la situation.

Mon malaise vient peut-être aussi du fait qu'il y a une grande distance entre les horreurs vécues et le récit qui en est fait. Est-ce dû au fait que Darina Al-Joundi raconte et que Mohamed Kacimi transcrit, je ne saurais le dire. 

Le côté "même pas peur" ou plutôt "j'ai un tel sens de la liberté que je suis au-dessus de tout cela" me heurte. Mais s'agissant d'un récit autobiographique, je me garderai bien de juger le contenu.


lundi 15 août 2016

Aris Fakinos : LA VIE VOLEE, Fayard, 1995




Aris Fakinos est un auteur grec que j'ai découvert il y a bien longtemps et dont j'ai lu une grande partie de l'oeuvre. 

C'est avec le même plaisir et surtout le même intérêt que j'ai relu  "La vie volée".

Un vieil homme récupère, de justesse avant sa destruction, le dossier que la Sûreté grecque avait sur son compte. Au fil des notes des différents agents, sa femme et lui se rappellent les luttes, les résistances, les déportations, les amitiés, les déceptions. Il leur a fallut atteindre la vieillesse pour enfin pouvoir vivre vraiment ensemble. 

Au travers de cette vie, Fakinos retrace l'histoire de la Grèce du XXe siècle et plus précisément l'histoire des communistes, du rôle qu'ils ont joué dans la résistance à l'occupation nazie à la répression sans merci qu'ils ont subie suite au partage de Yalta. Il raconte les camps de détention, notamment celui de Makronissos.  

"A l'époque, le pouvoir ne jouait pas au papa-gâteau, ne distribuait pas caresses et sourires, il ne mâchait pas ses mots, ne se camouflait pas comme aujourd'hui sous le travestissement de la démocratie. Il avait de la dignité. Ce qu'il voulait dire, il le disait clair et net. Quant les flics de la Sûreté nous tombaient dessus et nous emmenaient à coups de pied au bureau des interrogatoires, quand ils défaisaient leurs ceinturons ou préparaient leurs instruments de torture, il n'y avait aucun faux-semblant, pas la moindre ambiguïté, on ne se berçait pas d'illusions. On savait parfaitement qui ils étaient et ce qu'ils attendaient de nous, on s tenait prêt, on se recroquevillait par terre en veillant à se protéger la tête avec les bras - sous la trique, au premier coup sur la plante des pieds, on serrait les dents. "Tiens bon", nous disaient les prisonniers des cellules voisines en frappant en cadence leurs souliers contre le mur, et l'on reprenait courage, on résistait autant qu'on pouvait. Mais qui trouver à présent autour de soi, au café ou à la maison pour nous crier "tiens bon" au moment où surgit la première image à la télévision?" 

En lisant ce livre on comprend mieux l'importance encore actuelle du PC grec et de sa présence dans le débat public. On réalise aussi que la Grèce a connu bien peu de répit : de la dictature de Metaxas, en passant par la deuxième guerre mondiale, la guerre civile et la chasse aux communistes qui s'ensuit, à la dictature des colonels de 1967 à 1974. 

Ce sont tous ces événements que se remémore le narrateur qui, à la fin de sa vie, déplore la prise du pouvoir de Eltsine et de la dislocation de l'URSS.

Aris Fakinos dresse le portrait d'un homme qui s'est toujours battu pour plus de justice et d'un pays pris dans les enjeux des grandes puissances. 


mardi 2 août 2016

Jean-Michel Guenassia : LA VIE REVEE D'ERNESTO G., Albin Michel, 2012


Drôle de titre pour ce roman qui retrace d'abord la vie d'un certain Joseph Kaplan, entre les années 30 et 70. 

Une vie des plus romanesques, qui entraîne le protagoniste de Prague à Paris puis à Alger, avant de le faire revenir en Tchécoslovaquie.

Il y a presque trois romans dans cet ouvrage : le Paris des clubs et des fêtards sur fond de montée du nazisme à deux portes de là, l'Algérie sous la colonie française et Prague au moment des purges, là où l'auteur fait se rencontrer Kaplan et surtout sa fille, avec Guevara. 

Jean-Michel Guenassia excelle dans sa capacité à décrire les ambiances, les phénomènes de société. Tout comme dans "Le club des incorrigibles optimistes", il charme par la justesse de ses références, mais je dois avouer que je reste, cette fois-ci aussi, sur ma fin. Cette revue du XXe siècle semble trop lisse, trop pittoresque, presque une toile de fonds qui, si elle impacte la vie du "héros", ne semble présente que pour permettre au roman de rebondir.

Quant à Guevara, on le trouve dans la clandestinité, à se soigner après son séjour en Afrique et surtout à tenter de changer de vie pour ne rêver qu'au bonheur d'un nouvel amour.

"Au café Slavia, Ramon et Helena devinrent rapidement des habitués. Pour faire partie de la famille, il ne fallait pas grand-chose : venir régulièrement, dire bonjour, bavarder avec les uns et les autres. Ramon les intriguait tous. Qu'est-ce qu'il faisait cet oiseau-là ? On voyait si peu de touristes.(...) Cet étranger qui bredouillait quelques mots de tchèque parut à tous immédiatement sympathique. Surtout que Ramon n'était pas chiche de ses cigares. Personne n'en avait jamais vu de pareils. Il en offrait à qui en voulait et se fit beaucoup d'amis ainsi. De temps en temps, Helena prenait le cigare de Ramon, tirait deux trois bouffées et commençait à y prendre goût."