lundi 15 août 2011

Romain Gary : LES TRESORS DE LA MER ROUGE, Gallimard, 1971


Les trésors que Romain Gary a ramené de son voyage à Djibouti, en Somalie et au Yemen, ce sont des rencontres et "les manifestations soudaines et émouvantes de l'âme humaine."

Rencontres à Djibouti de militaires ayant vécu la défaite de l'empire colonial français à Dien Bien Phu et en Algérie.

"- Tu verras ici l'armée de l'Empire mort. A l'état d'échantillon. Elle se rend en quelque sorte les derniers honneurs. Une espèce de musée... Trois milles hommes, mais tout y est... Il ne manque que le père de Foucauld. Nous mettons ici le point final à l'ère des empires coloniaux et nous veillons à ce que ce point soit lumineux...
Vous me direz : nous avons déjà entendu cette chanson. Que le colonialisme ait été un échec, pour le constater, il suffit de parcourir l'Afrique indépendante : tout ce qui ici n'arrive pas à naître, à reconstruire, c'est notre œuvre. Si le colonialisme avait été une entreprise digne de la civilisation, il n'y aurait pas eu en Afrique, aujourd'hui, cet effort désespéré de bâtir sur des fondements qui ne furent jamais posés."

Rencontre d'une prostituée dont le corps porte le tatouage des noms des hommes qui l'ont utilisée.

Rencontre du portrait de Mao, portrait apporté de Paris, par un "assistant technique",  jeune instituteur qui "essaie de sortir les enfants du néant".


Rencontres.... Rencontres.... jusqu'à celle d'une petite fille dans les yeux de laquelle il voit "toute l'histoire de l'Arabie, tout ce qui demeure vivant et invincible, là où la mort et le temps croient avoir fait leur œuvre d'oubli".

Mais avant tout, Romain Gary se rencontre lui-même.

"Jamais encore je n'avais éprouvé à ce point le sentiment de n'être personne, c'est-à-dire d'être enfin quelqu'un... L'habitude de n'être que soi-même finit par nous priver totalement du reste du monde, de tous les autres; "je", c'est la fin des possibilités..."

Ce récit d'une centaine de pages vient d'être réédité par Gallimard dans la collection Folio 2€, collection que j'apprécie beaucoup car elle met en valeur des textes courts, souvent oubliés, d'auteurs importants.  Je ne connaissais en fait, qu'Emile Ajar, mais la fulgurance, la puissance et l'intelligence de ce "reportage", m'ont donné envie de découvrir les autres écrits de Romain Gary. Je ne peux pas terminer ce billet, sans souligner la beauté de son style.
"J'ai erré ainsi pendant trois jours aux abords du Royaume du néant, d'où montait vers moi, aux approches du couchant, une marée mauve, rose et or, et je ne saurai jamais si cette houle de sable qui semblait esquisser vers le ciel des envols aussitôt frappés d'interdit, avait vraiment cette couleur rouge brique ou si c'était le soleil qui mourrait ainsi."

3 commentaires:

  1. Un auteur et une collection que j'aime bien, également !
    Belle journée, Amartia !

    RépondreSupprimer
  2. Un auteur à l'écriture déliée ! J'aime aussi le style, quoique ses histoires me plaisent moins. Passes-tu ton été à lire ?

    RépondreSupprimer
  3. @Gine : oui, c'est temps-ci, j'y consacre de belles heures.

    @Norma : Outre que le choix des textes est intéressant, c'est le tourniquet où je me rends, une fois mon budget livres épuisés. 2€ c'est rien, alors je me lâche encore un peu.

    RépondreSupprimer