Dans ce recueil de onze nouvelles, Zakhar Prilepine nous raconte une société à la dérive, noyée dans l'alcool, seul refuge d'une jeunesse désorientée et souvent désoeuvrée.
D'une nouvelle à l'autre le narrateur pourrait être le même, comme si Pripeline avait sorti d'une boîte les photos d'un type et aurait décidé de nous raconter le même bonhomme à différents moments de sa triste existence.
Ce qui m'a le plus frappée, c'est la violence inhérente aux situations dans lesquels il plonge ses protagonistes, violence des relations entre les hommes et les femmes, violence de l'indifférence face à la mort - que ce soit la sienne ou celle des autres - violence d'une vie sans espoir, sans plaisir, si ce n'est celui d'être saoul.
"Je ne me souviens plus pour les autres, mais moi j'étais tombé durement dans cet état rare et étonnant, lorsque chaque nouveau verre vous dégrise, et que l'on boit alors sans s'arrêter, attendant, goguenard, d'être enfin abattu par l'ivresse comme un bout de bois."
Mais si l'atmosphère générale qui se dégage m'a immanquablement fait penser à "Taxi Blues" de Lounguine, c'est un peu comme si - depuis près de 20 ans que le film a été tourné et une guerre en Tchétchénie après - une certaine jeunesse russe se soit habituée à l'absurdité de la vie qui lui est proposée, et que cela ne l'empêche pas - et peut-être au contraire la pousse - à cultiver l'amitié, un peu comme un dernier rempart avant le désespoir.
"Nous rentrions chez nous, nos fronts effleurant parfois les vitres immanquablement sales, au printemps, des navettes périphériques, nous regardions nos reflets dans les vastes espaces russes. Personne n'était triste, au contraire. Chacun souriait à ses propres pensées : l'un à la tendresse qu'il avait trouvée, au goût et au parfum généreux; l'autre à la senstation de la dernière neige de l'année, tiède contre sa tempe; et le troisième, on ne sait pas à quoi.
...On ne sait pas, on ne sait pas, on ne sait pas à quoi".
Le style, comme vous pouvez en juger, est direct mais ne manque pas de poésie, notamment dans le rythme des phrases.
Un auteur que je vais suivre, car contrairement à beaucoup de jeunes auteurs, celui-ci a vraiment quelque chose à dire et en plus, il le dit bien.
J'aime bien la citation que tu nous montres ici...
RépondreSupprimerElle allège l'atmosphère si pesante qui se dégage de ta présentation de ce livre.
Quand j'aurai retrouvé le moral, je crois que je me hasarderai à le lire...
Merci, Amartia !
Un peu plus mitigée que toi quand même... Rebutée certainement par la froideur de cet univers!
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