lundi 12 septembre 2011

Alain Claude Sulzer : UN GARCON PARFAIT, Actes Sud, 2008

Premier roman de cet auteur traduit en français, il fut pour moi la découverte d'Alain Claude Sulzer, auteur Suisse allemand, né à Bâle en 1953.

Ernst est serveur dans un grand hôtel des bords du lac de Brienz, et a une parfaite maîtrise de son métier, qu'il pratique en artiste perfectionniste. Cela donne à Sulzer l'occasion de revisiter ces lieux de résidence réservés à une population privilégiée, souvent étrangère, et de rappeler les règles en vigueur qui régissaient - et régissent certainement encore - les relations entre le personnel et les clients des hôtels de luxe.

"Il était recommandé de traité les clients qui voyageaient seuls avec une prévenance particulière, ne serait-ce que parce qu'ils donnaient les meilleurs pourboires. Contrairement aux couples qui, pendant la journée, étaient occupés à surveiller leurs enfants, les solitaires avaient tendance à bavarder avec le personnel, on échangeait des paroles aimables dans les couloirs, dans la spacieuse cage d'escalier circulaire, le matin sur la terrasse, l'après-midi au jardin. Comme il 'était pas rare que les conversations s'éternisent, il fallait ensuite se dépêcher de finir ses autres tâches, sans avoir l'air de se presser, ni donner l'impression aux clients qu'ils vous avaient fait perdre votre temps. (...)
Un h0chement de tête ou le léger détournement du corps suffisaient à signaler que le client souhaitait mettre fin à la conversation.  C'était alors à l'employé de réagir de façon conséquente, ni précipitée ni trop mesurée. Tout cela, on l'apprenait par l'expérience et l'empathie, après les premiers faux pas d'usage. C'était à chacun de développer un juste instinct des désir du clients."

Grand Hôtel de Giessbach, hôtel dans lequel l'auteur situe son roman

Lorsque le 15 septembre 1966, Ernst reçoit une lettre de New York, il ne l'ouvre pas tout de suite, il tente de se préserver, mais quoiqu'il fasse, son passé qui n'a cessé de le hanter sourdement,  remonte à la surface et chaque détail, chaque moment partagé avec Jacob est ravivé. Et Sulzer nous raconte l'histoire d'une passion folle, d'une passion interdite, secrète, discrète mais.... peut-être pas partagée.

"Ernest ne s'était pas attendu à cela. Au cours d'une promenade au bord du lac, c'était un dimanche après-midi de juillet, presque deux mois jour pour jour après son arrivée à Giessbach, Jacob avait sans prévenir passé son bras gauche autour de l'épaule d'Ernest et embrassé celui-ci en marchant. (...) Jacob n'embrassait pas Ernest comme un frère, il ne l'embrassait pas comme on embrasse son père ou sa mère. Il l'embrassait comme le ferait un amant, sans gêne et sans crainte, avec une certaine maladresse aussi car il n'avait probablement pas eu souvent l'0ccasion de s'entraîner à le faire."

Plaçant la rencontre des deux amants au moment de la montée en puissance de Hitler, il introduit le contexte politique de l'époque en la personne de Julius Klinger, écrivain allemand, qui se réfugie à Giessbach  après sa dénonciation du nouveau régime.

"Aux yeux des émigrés qui, à son arrivée, se tenaient dans le hall de l'hôtel et l'applaudissaient, il représentait les vraies valeurs de ce pays qu'ils avaient dû quitter à contrecœur. Il ne s'était laissé impressionner ni par les flatteries de la part du régime ni pas les tentatives de faire pression sur lui".

Mais si l'arrivée de Kingler rassure ses compatriotes sur la justesse de leur choix, elle marque aussi le début de la trahison amoureuse de Jacob.

C'est un roman magnifique, profond et dense mais qui, de par la qualité du style délié et précis, se lit d'une traite et nous réserve jusqu'à la fin des surprises quant aux caractères des personnages. 

A lire, absolument.
Ce livre a reçu le prix Médicis étranger et cette fois-ci, je trouve ce prix totalement mérité.

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