mercredi 11 janvier 2017

Yasmina Khadra : LA DERNIERE NUIT DU RAÏS, Julliard, 2015


Yasmina Khadra n'a jamais peur d'être politiquement incorrect ! C'est avec une certaine audace qu'il se glisse dans la peau de celui qui a dirigé la Lybie pendant 41 ans !  Et au lieu d'en faire une icône, il en fait un homme, tout simplement.

Ah bien sûr, pas n'importe lequel. S'il lui concède une certaine lucidité quant à la déférence que lui témoigne son entourage, il ne lui enlève rien de sa mégalomanie. S'il ne lui prête aucun doute, même au dernier moment, il lui reconnaît quelques blessures, notamment quant à son origine. 

"On m'a toujours menti. Lorsque je demandais  après mon père, ma mère me répondait, expéditive : "Il est au paradis". Mon père me manquait. Atrocement. Son absence me mutilait. J'étais jaloux des gamins qui gambadaient autour de leurs géniteurs." 

Cette dernière nuit se déroule dans une école désaffectée de Syrte, où il s'est retranché avec ce qui lui reste de sa garde rapprochée, dans l'attente de pouvoir fuir au sud et échapper à la rebellion. 

A la faveur du danger, le chef de sa garde se permet quelques vérités : ceux qui les assaillent "Ce sont des Lybiens, Raïs. Des Lybiens comme vous et moi qui hier seulement vous acclamaient et qui réclament votre tête aujourd'hui" (...) "Vos pensiez certainement au bien de la nation, mais que saviez-vous de la nation elle-même? Il n'y a pas de fumée sans feu, frère Guide. Si nous sommes au pied du mur, ce n'est pas par accident. Dehors, les massacres et le vandalisme ne sont pas des sortilèges, mais le résultat de nos errements"(...) "Je retourne m'affaisser sur le canapé, me prends la tête à deux mains. Faut-il passer Mansour par les armes sur-le-champ ? Faut-il le tuer moi-même ? Une bourrasque incandescente se déchaîne dans mon esprit.
- Je ne vous juge pas, Raïs...
- Tais-toi, espèce de chien.
Il s'agenouille devant moi..."

La fin est connue, mais Khadra réussit à nous raconter ce que nous savons déjà, sans jamais  tomber dans la facilité des idées toutes faites, ni dans la caricature. Un roman qui dépasse de loin le cas de Khadafi et qui décortique minutieusement la mécanique de la dictature, quelle qu'elle soit.

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