On connaît Benoîte Groult en féministe militante et engagée, je la découvre ici en grande amoureuse.
Dans ce roman, elle nous conte, à la première personne, la relation de George, intellectuelle parisienne et d'un marin breton qu'elle choisit d'appeler Gauvain. C'est un amour qui aurait dû être classé dans la série des "impossibles" tant sa pérennité semble compromise au vu des origines sociales et culturelles des deux amants.
Et pourtant, une vie durant, ils n'auront de cesse de s'aménager des rencontres, loin de leur monde respectif, car ils ont beau ne rien avoir en commun, le désir que leurs corps expriment au moindre contact les font sombrer dans une félicité que ni l'une ni l'autre n'ont connue ailleurs.
Pour certains passages, Benoîte Groult quitte la première personne : "Cette rencontre-là, je ne saurais la décrire à la première personne. C'est seulement en m'abritant derrière un pronom moins personnel que le "je" que je pourrai transcrire le témoignage de George et tenter de cerner de plus près l'évidence irritante du désir amoureux, qui n'est peut-être que l'ultime mensonge du corps." Si la force de ce désir et le plaisir qu'elle éprouve ne sont en rien escamotés, l'auteure jette un regard sans concession sur cette vie de femme qui n'est pas prête à se "sacrifier" par amour.
C'est l'histoire d'un amour fou, mais pas au point d'entraîner la femme à renoncer à sa propre vie (familiale, professionnelle, culturelle), un amour qui n'est fait que de parenthèses dans la vie des deux amants, mais certainement celui qui aura compté le plus pour eux.
"C'est seulement lorsque nous sommes dans les procédures de l'amour que j'oublie à quel point nous appartenons à deux espèces étrangères. J'ai longtemps pensé dans ma jeunesse que s'aimer, c'était fusionner. Et pas seulement dans la brève et banale union des corps, ni même dans un orgasme mystique. Je ne le pense plus. Il me semble aujourd'hui qu'aimer, c'est rester deux, jusqu'au déchirement. Lozerech n'est pas, ne sera jamais mon semblable. Mais c'est peut-être ce qui fonde notre passion".
Un roman de la maturité qui, même 20 ans après 1968, a fait scandale. Une femme n'avait-elle pas osé écrire et décrire son désir et son plaisir physiques sans tomber ni dans la pornographie ni dans l'eau de rose. Une femme n'avait-elle pas osé affirmer qu'un tel amour n'était possible qu'à la condition que le couple ne partage pas la vie commune ?
Un roman que l'on peut lire encore aujourd'hui et qui n'a rien perdu de sa nécessité.
Je l'avais trouvé très fort, ce roman, au moment de sa lecture. Outre l'écriture toujours dynamique, j'en avais aimé le thème très... féministe! Il méritait bien un scandale que notre société est toujours prompte à créer.
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