vendredi 6 janvier 2017

Anne Cuneo : LA TEMPETE DES HEURES, Campiche, 2013



Anne Cuneo nous offre une nouvelle fois, ce qu'elle fait le mieux, à savoir un roman basé sur un fait historique, qu'elle documente à la perfection sans en faire pour autant un "documentaire". 

Elle nous rappelle ces heures sombres de mai 1940, où la Suisse craignait d'être envahie par l'armée nazie. Si la "tempête des heures" fait référence aux jours qui précèdent la première dans un théâtre, ceux où chaque heure compte, où chacun s'affaire dans son domaine pour que la représentation soit parfaite, comment ne pas faire le rapprochement avec ces heures d'angoisses, non seulement pour la population suisse, mais surtout pour tous les artistes allemands et autrichiens qui avaient trouvé refuge au Schauspielhaus de Zürich. 


C'est au travers du récit d'Ella Berg, jeune comédienne polonaise dont la famille a été décimée, et qui s'est elle aussi réfugiée au Schauspielhaus que l'auteure témoigne de ces heures de résistance. En effet, la troupe décide que quoi qu'il arrive, elle jouera le Faust de Goethe, première et deuxième partie, quitte à ce qu'en cas d'assaut, les comédiens avalent la capsule de cyanure qu'ils gardent sur eux.

"Quand le conseil d'administration se réunit-il pour décider si oui ou non on arrête tout? La séance se passe à huis clos, pourtant tout l monde sait ce qui s'y est dit. Deux camps s'affrontent : ceux qui pensent que, pour des raisons tant politiques que financières, il vaut mieux renvoyer la première de Faust II à l'automne, et ceux, menés par Wälterlin et Oprecht, qui n'en démordent pas : la première doit avoir lieu maintenant.
Ce doit être au même moment que sont discutés les contrats : ici aussi la partie dite "défaitiste" du conseil d'administration voudrait considérer que tous les contrats pour la saison à venir, déjà négociés, sont nuls et non avenus. Langhoff, le délégué syndical, réunit les comédiens; tous sont d'avis qu'un contrat est un contrat et que si on arrive à jouer Faust II dans les conditions présentes, on jouera le programme à venir sans peine. Quoi qu'il en soit, les comédiens ont besoin de leurs contrats pour ne pas être expulsés Et ils sont déterminés à jouer Faust II MAINTENANT."

Un livre qui m'a intéressée et m'a fait découvrir un aspect de l'histoire de mon pays que je ne connaissais pas. Décidément, Anne Cuneo nous manque.

Schauspielhaus Zürich, ca. 1935
© Baugeschichtliches Archiv der Stadt Zürich

2 commentaires:

  1. Je découvre ce livre par ton intermédiaire! Il est clair que je vais me le procurer, tant j'aime la précision de cet auteur, précision qui ne nuit jamais au style romanesque de son monde!

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