La grande guerre, la der des ders, on croyait avoir tout lu sur ce thème; les dénonciations de l'effroyable boucherie, les exécutions pour l'exemple.... c'était sans compter Pierre Lemaitre.
Dans ce véritable roman, les trois protagonistes incarnent des archétypes de personnages, un peu comme dans les tragédies antiques tout en restant profondément humains. Mais si toute cette belle jeunesse est prise dans la terrible machine de guerre (de guerre des classes aussi) c'est pour mieux faire un pied de nez à l'Histoire et à l'hypocrisie de ceux qui la racontent après coup, comme dans les comédies d'Aristophane.
Albert Maillard et Edouard Péricourt sont deux soldats sous les ordres du lieutenant d'Aulnay-Pradelle qui, sentant la fin de la guerre approcher, se doit de se distinguer par un haut fait d'armes pour obtenir in extrémis quelques galons de plus et s'assurer un retour à la vie civile. C'est ainsi qu'il décide de prendre la cote 113, quitte à tirer dans le dos de deux hommes envoyés en éclaireur pour s'assurer de l'engagement de ses hommes dans la bataille.
"Quelques-uns parlaient encore d'en découdre avec l'ennemi, mais globalement, vu d'en bas du côté d'Albert et de ses camarades, depuis la victoire des Alliés dans les Flandres, la libération de Lille, la déroute autrichienne et la capitulation des Turcs, on se sentait beaucoup moins frénétique que les officiers. La réussite de l'offensive italienne, les Anglais à tournai, les Américains à Châtillon.... on voyait qu'on tenait le bon bout. Le gros de l'unité se mit à jouer la montre et on discerna une ligne de partage très nette entre ceux qui, comme Albert, auraient volontiers attendu la fin de la guerre, assis là tranquillement avec le barda, à fumer et écrire des lettres, et ceux qui grillaient de profiter des derniers jours pour s'étriper encore un peu avec les Boches."
Durant la prise de la cote 113, Albert est sauvé d'une mort certaine par Edouard, qui lui, aura juste après le bas du visage arraché par un éclat d'obus. La reconnaissance d'Albert et l'amitié qui va le lier à Edouard ne connaîtra plus aucune faille. Même lorsqu'Edouard se lancera dans la plus incroyable escroquerie aux monuments aux morts.
Voilà bien un livre que je n'aurais jamais lu, s'il n'avait reçu le prix Goncourt et s'il ne m'avait été offert à Noël. L'auteur m'était inconnu et le thème ne m'aurait pas attiré. Et bien je serais passée à côté d'une belle découverte. Pierre Lemaitre écrit dans une langue sobre et dépourvue de grandiloquence. Il sait à merveille créer une atmosphère, faire surgir des émotions et surtout, surtout, il ne manque pas d'humour, même si celui-ci est parfois macabre !
A lire de toute urgence.
Belle analyse, une fois de plus, pour un roman que l'on m'a prêté et qui n'aurait pas retenu mon attention, pour les mêmes raisons que les tiennes... Et pourtant! Un plaisir jubilatoire à la lecture - et certainement à l'écriture, du moins je l'espère! A recommander, c'est vrai.
RépondreSupprimerJ'ai adoré ce livre. Je m'en vais d'ailleurs lire d'autres livres sur le même thème, relire aussi.
RépondreSupprimerExcellent roman d'un auteur peu connu mais qui a aussi écrit des romans policiers aux intrigues déroutantes.
RépondreSupprimerA lire absolument et dans le bon ordre.
Adelfa.