dimanche 23 février 2014

Vassilis Vassilikos : ALFRATRIDE, Gallimard, 1978


Un livre que j'avais lu, il y a longtemps, sur lequel je suis retombée par hasard, parce qu'il était mal rangé dans ma bibliothèque ! Comme je n'en avais gardé aucun souvenir, mais comme il est de l'auteur de Z, je me suis dit qu'il méritait que je le relise.

Et bien, comme on peut le dire d'un film,  ce livre a vieilli et même mal vieilli. 

Basé sur les soupçons qui ont été émis lors de la mort, officièlement par absorption abusive de barbiturique, de la femme de Niarchos, un des armateurs grecs qui a défrayé la chronique mondaine dans les années 70, c'est un roman verbeux, excessivement marqué par la réthorique gauchiste de ces années là. (Et je la connais bien pour l'avoir pratiquée !) Trop de références (gratuites?) aux mythes antiques, à la symbolique des termes (l'un des armateurs se nomme Alfa, l'autre Omega....), trop de passages purement techniques sur le travail de médecin légiste et en revanche trop de passages d'un lyrisme erotico-poétique . Bref, c'est bien le style qui a vieilli !

Parce que sur le fonds, la dénonciation de la corruption, de la collusion entre les armateurs et la classe politique dirigeante, les stratégies de préservation des privilèges de la grande bourgeoisie, tout y est et malheureusement tout y est encore de nos jours. 

"Connaissant cette aventure, mon oncle ne promit un second rapport, propre à détruire le mythe d'un meurtre sauvage par la pieuvre, qu'en réclamant d'avance la somme qui lui permettrait de construire sur le terrain légué par son frère, à Kifissia. Et le bruit courut aussitôt que l'armateur lui avait graissé la patte pourqu'il couvre le meutre d'Anastassia. quant à moi, mon oncle me fit cadeau d'une Mini-Fiat, qui attira l'attention d'une voisine de Noémi, si bien que pour un peu j'aurais eu la fille par-dessus le marché. Mais voilà bien le cercle vicieux des intérêts : c'est cette voiture qui m'a amené finalement à kidnapper le fils du donateur."

Et c'est là que le roman reste marqué par l'atmosphère des années de plomb, puisque le narrateur, n'est autre que le neveu du médecin légiste corrompu, et que fort de son récent engagement révolutionnaire, il participe à l'enlèvement du fils de l'armateur.

"Je me lançai tête baissée dans le marxisme. Je lisais avec l'avidité d'un buvard asoiffé d'encre. C'était la première phase de la Junte, la Résistance accomplissait beaucoup d'actes utiles, dont le récit n'a pas sa place ici. Plus tard, quand changea le régime, le 23 juillet 1974, notre groupe attendit un instant une prise de pouvoir par les masses en délire. Nos espérances se révélèrent sans fondement. Notre chef en fut piqué au vif. "Ce peuple-là est endormi, disait-il. Il faut le réveiller." (...) Pour l'essentiel, les propos de "Lui" se ramenaient à ceci : désormais, il fallait passer à des formes plus énergiques de révolution, pour échapper à l'illusion de bonheur. (...) Sous la dictature, nos buts étaient purement politiques. Il fallait désormais frapper l'establishment économique."

Ce roman de Vassilikos restera comme un témoin d'une époque, des courants idéologiques qui s'y affrontaient et des moeurs d'une classe possédante prête à tout pour maintenir ses privilèges.

1 commentaire:

  1. Je ne sais pas si je lirai ce livre dont tu nous dis qu'il a plutôt mal vieilli, mais merci pour le souvenir de Z, un grand moment de mon adolescence !
    Très bonne soirée, Amartia !

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