J'ai reçu ce livre parce que la photo de couverture représente l'îlot du Bourtzi de Nauplie et que par ailleurs, la personne qui me l'a offert sait que j'avais apprécié, il y a longtemps déjà, la série des "Mémed " qui avait rendu célèbre Yachar Kemal, auteur turc, d'origine kurde, né en 1923.
Yachar Kemal |
J'ai vite compris que le roman n'a aucun lien avec Nauplie, même si cette ville a également été dominée par l'empire ottoman. En plus, s'agissant du deuxième volet d'une saga qui devrait en compter certainement un troisième encore, j'ai eu de la peine à y entrer. N'ayant pas lu le premier, Regarde donc l'Euphrate charrier le sang, je me suis perdue, au début, parmi tous les personnages. Par ailleurs, la lenteur du récit, l'impossibilité de situer cette île de "Fourmi" sur une carte... du côté des Dardanelles, en Mer Egée, ne m'ont pas aidée non plus. Moi qui me rappelle avoir dévoré 5 ou 6 romans de cet auteur, j'ai eu toutes les peines du monde à progresser dans celui-ci.
Et pourtant, le thème m'intéressait au plus haut point, puisqu'il s'agit des conséquences du Traité de Lausanne, signé en 1923 et qui "réglait" notamment, l'échange de population entre la Grèce et la Turquie. En Grèce, le sujet est encore très vif et même douloureux parfois, et on feint d'ignorer, en tout cas on ne l'enseigne pas dans les écoles, que les Turcs installés en Grèce, même si c'est dans des proportions nettement moindres, ont subit, eux aussi, l'exil.
La Tempête des gazelles (je n'ai pas compris le titre ???) raconte le repeuplement de l'île de Fourmi, vidée de sa population grecque (seul l'un d'entre eux y est resté), repeuplement donc, par des Turcs, victimes des décisions prises par les grandes puissances et provenant de toutes les provinces de l'ancien empire. Chaque nouvelle arrivée donne lieu au récit des malheurs vécus, des horreurs de la guerre et des séparations, un peu comme une litanie obsessionnelle.
"Pendant qu'il parlait, Kazin Agha gardait toujours à l'esprit la participation de Poyraz au massacre des Yézidis. Et en particulier, l'image horrible des seins coupés des femmes qui remuaient sur le sable brûlant... Pouvait-on faire confiance à un tel homme ? Il s'en voulut de cette dernière pensée. Quand Poyraz lui avait raconté le massacre, il avait manifesté un immense chagrin, sa voix était sanglotante sans que lui-même ait versé la moindre larme, ce qui montrait qu'à l'évidence il souffrait. Accablé de honte, il avait voulu interrompre son récit mais par fierté s'était senti obligé d'aller jusqu'au bout. Lorsqu'il avait eu fini de raconter les faits , plus graves à ses yeux que la mort, il s'était accoté au mur, épuisé, le visage blanc comme un linge. Bien sûr qu'on pouvait accorder sa confiance à un homme qui souffrait autant."
L'île est présentée comme un paradis sur terre qui offre à ses quelques habitants un havre de paix, où l'accueil est chaleureux et où tout est mis en commun, où tout est redistribué et où le "A chacun selon ses besoins" est appliqué dans un grand élan de générosité et de solidarité.
"- Vas-y, dame Melek, donne-leur un peu de soupe que tu prélèveras sur notre ration quotidienne... Et moi je pêcherai pour ce garçon des poissons comme il n'en a jamais rêvé, des poissons rouges de la mer Rouge. Chez moi, on m'appelle le maître des pêcheurs de la mer Noire. Si tu ne me laisses pas mourir de faim, je pêcherai pour toi des tonnes de poissons".
Poyraz tendit l'assiette qu'il tenait à la main et dame Melek la remplit.
Quand tout le monde fut rassasié, il se leva.
"Allons-y, dit-il, installons nos amis pour la nuit. Laissons-les prendre tout leur content de sommeil. D'ici deux ou trois jours ils seront de nouveau sur pied."
Le style aussi - est-ce dû à une traduction trop littérale ? -m'a paru vieillot, collant de trop près aux expressions typiquement turques, dans des dialogues alourdis par tous les titres et les politesses que les protagonistes s'adressent les uns aux autres.
Le seul passage que j'ai lu d'une traite, sans me lasser, est celui du récit d'une légende, qu'un "barde" kurde arrivé récemment dans l'île, conte lors d'une veillée réunissant toute la communauté sous les platanes de la place du village.
Un avis mitigé donc, mais peut-être est-ce également dû au fait que je n'étais pas très disponible tous ces temps derniers.
Bof ... c'est pas la joie de lire ! En tout cas, la belle image de couverture semble être trompeuse !
RépondreSupprimerSi la photo de couverture est une erreur en effet,le 2ème volume de cette "histoire d'une île" ne se comprend bien que si on a lu le premier. Yachar Kemal raconte ici l'histoire vécue par chacun de ses personnages - qu'ils soient acteurs en tant que militaires de cette guerre ou victimes-exilées suite à l'échange de population - qui se retrouvent dans cette île et se racontent. C'est une très belle réflexion sur la capacité des hommes à survivre à l'horreur et rester humains (malgré tout !) La preuve, ce récit d'une scène racontée "où en pleine bataille, les belligérants arrêtent leurs tirs croisés pour épargner les gazelles affolées qui se trouvent en plein milieu du champ de bataille..." D'où le titre de ce 2ème volume. J'attends avec impatience le 3ème volume. Nana
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