lundi 31 janvier 2011

Eric-Emmanuel Schmitt : ULYSSE FROM BADGAD, Albin Michel, 2008

Un jeune Bagdadien, ayant souffert de la dictature de Saddam Hussein, mais encore plus de l'embargo international, puis de l'invasion américaine, décide de quitter l'Irak pour rejoindre clandestinement l'Angleterre.

Voilà un sujet qui m'intéresse et je me réjouissais de lire ce livre, ce d'autant plus que j'ai beaucoup aimé les précédents romans d'Eric-Emmanuel Schmitt, notamment "l'Évangile selon Pilate" et "La part de l'autre". Quelle déception !

 Les références à l'Odyssée sont grossières : le cyclope est un employé borgne, Charybde et Scylla une tempête en mer dont les seules gouttes d'eau doivent provenir du verre d'eau qu'immanquablement l'auteur tient sur sa table de travail, les sirènes sont transformées en un groupe de chanteuses punk, et j'en passe. Tout cela fait dans la grosse ficelle !



Et, sous prétexte de sagesse orientale, le jeune homme continue de dialoguer avec son père, mort sous le feu des soldats américains. Non seulement ces échanges sonnent faux, mais en plus, il faut que l'auteur nous explique bien lourdement qu'en fait, il s'agit d'un dialogue intérieur :

-  "Pourtant il faut bien que tu arrives de quelque part ! Un monde parallèle. Au-dessus de nous ? À côté de nous ?

- Ce quelque part, c'est l'intérieur de toi, Saad. Je viens de ton corps, de ton coeur, de tes lubies. Tu es mon fils. Je suis inscrit en toi, dans tes souvenirs autant que dans tes gènes."

Quant à la partie sentimentale du roman, elle tient de la collection Arlequin et du roman-photo :

"À toutes jambes, je courus vers Leila. À chaque instant, je m'attendais à ce que sa silhouette se modifie, persuadé que j'étais abusé par une étonnante similitude; l'inconnue vers laquelle je galopais allait bientôt cesser de paraître Leila pour s'incarner en étrangère, un détail allait me révéler ma méprise. Lorsque je fus à quelques mètres, la femme, surprise, se tourna vers moi, son visage fit face au mien. Là encore je reconnus Leila. J'avançai."  Et blablabla et blablabla.


Mais ce qui m'a le plus gênée, c'est que l'auteur utilise le "je" pour écrire cette histoire, or tout est désincarné, tout est comme sur une scène de théâtre, où la situation de l'Irak – d'ailleurs pourquoi l'Irak, il aurait très bien pu prendre un autre conflit – fonctionne comme un décor de carton peint, décor d'ailleurs très conforme aux images vues et commentées sur nos chaînes de télévisions occidentales.

Et puis, et c'est plus grave, le sort des clandestins est lui aussi factice : comme tout clandestin qui se respecte, Saad – ce qui signifie espoir ! – passe par toute la panoplie du parcours obligé en suivant bien le manuel du parfait fugitif et autre demandeur d'asile.

Ce roman me donne vraiment l'impression de ne répondre à aucune urgence de la part de l'auteur, d'être issu d'une idée - faire correspondre le périple d'un émigré à celui d'Ulysse – bref, d'être simplement alimentaire.


Dommage !


Si vous êtes intéressés par la problématique des clandestins, je vous recommande l'excellent reportage que Fawzi Mellah a effectué, en se faisant passer pour l'un des leurs et en suivant la filière des côtes tunisiennes à la France, reportage publié sous le titre "Clandestins en Méditerranée" aux éditions "Le cherche midi". Quand il a peur, il a vraiment peur, sans pour autant nous faire perdre à l'esprit qu'à l'arrivée, il ne connaîtra pas le sort de ses compagnons de voyage.

3 commentaires:

  1. C'est ce qu'on appelle une descente en flêche ! Voilà donc un livre que je ne lirai pas ... mais, je n'ai jamais trop aimé E.E. Schmitt : j'oublie ces livres très rapidement ... et je ne sais plus ce que j'ai lu ou pas lu de lui !

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  2. Schmitt me déçoit souvent (sauf les deux mêmes livres que vous citez). Il "prend" trop l'air du temps (cfr Mozart maintenant Beethoven, cela m'apparaît un peu comme l'exploitation de ce qui fonctionne bien...)

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  3. L'Odyssée supporte tout! Même les allusions grossières. même les adaptations modernes....au fait j'ai vu un Ithaque de Botho strauss avec Charles Berling et Ronit Elkabetz, une belle après midi de théâtre mais une légère déception, j'attendais depuis des semaines cette sortie!

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