samedi 12 février 2011

Marguerite Duras : LA MALADIE DE LA MORT, 1982, Minuit

  
Le décor est sobre : une chambre, un lit aux draps blancs, un mur derrière lequel on entend la mer.

Dans la chambre, une femme vient s'étendre nue, plusieurs nuits de suite payées d'avance, par un homme qui veut essayer, "essayer d'aimer". Essayer et ne pas pouvoir, non par quelque impuissance physique, mais parce qu'il n'a jamais aimé une femme. Jamais.



"Vous devriez ne pas la connaître, l'avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
Vous pourriez l'avoir payée.
Vous auriez dit : il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c'était cher."

La "cérémonie" reprend chaque soir. Le plus souvent la femme dort, il la regarde, il pleure. Parfois ils parlent. Il la touche, elle se laisse faire. Les nuits se suivent.

Marguerite Duras, 1982 - Vladimir Sichov
"Les yeux sont fermés toujours. On dirait qu'elle se repose d'une fatigue immémoriale. Quand elle dort vous avez oublié la couleur de ses yeux, de même que le nom que vous lui avez donné le premier soir. Puis vous découvrez que ce n'est pas couleur des yeux qui serait à jamais la frontière infranchissable entre elle et vous. Non, pas la couleur, vous savez que celle-ci irait chercher entre le vert et le gris, non pas la couleur, non, mais le regard.
Le regard.
Vous découvrez qu'elle vous regarde."

Elle le laisse faire. Elle dort. Elle lui apprend qu'il a une maladie. Elle ne sait pas encore la nommer. Puis, plus tard, elle sait : il a la maladie de la mort.

C'est un très beau texte, sur le thème, cher à Marguerite Duras, des amours interdites et impossibles. Je me suis laissé emporter dans ce huis clos intime au rythme lent et régulier de la mer, si présente tout au long du récit.


3 commentaires:

  1. Je ne sais pas pourquoi, en lisant tes lignes, j'ai pensé à cet autre livre de Marguerite Duras, la douleur, qui m'avait beaucoup marquée...

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  2. Oui, il y a bien un lien. J'ai parfois l'impression que Marguerite Duras a toujours écrit et ré-écrit toujours le même livre. D'ailleurs la mer dans celui-ci me fait penser à celle du Barrage contre la Pacifique et donc à la mère.

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  3. Je pensais avoir lu ce livre, en en voyant le titre ... mais je pense que ce devait être La Douleur, comme Norma ! Je n'aime pas toujours Duras, mais je reconnais qu'elle peut être parfois terriblement lucide !

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