A la Magritte, je le dis tout net : "Ceci n'est pas un roman policier", ou si peu ! Oui, on y trouve un commissaire et une enquête et quelques dialogues typiques du genre.
"Le directeur discipline sa diatribe. S'éponge dans un morceau de soie. Après un halètement, il me propose :
- Tu vas lui téléphoner tout de suite pour lui présenter tes excuses.
- Que nenni.
- Je n'ai pas bien entendu.
- Que nenni...
- C'est une mutinerie ?
- C'est vous qui voyez.
- Tu vas lui téléphoner de suite sinon je t'arrache les oreilles.
Eh, ben !
Je zieute dédaigneusement mon géant aux pieds d'argile, respire un bon coup et lâche :
- Tozz ! sur toi et sur tes ancêtres, monsieur le pistonné. Je t'ai connu minable dans ta guérite, place du 1er Mai, à siffler après les tombereaux. Je me souviens encore de ton froc écorché et de ta vareuse d'épouvantail. Les hauteurs de la hiérarchie te montent à la tête. Va falloir faire gaffe au vertige.
- Je ne t'autorise pas à me tutoyer. Je suis le directeur...
- Je n'ai même pas voté pour toi. Si ça ne tenait qu'à moi, tu ne mériterais même pas de figurer sur une liste d'objets perdus. T'es rien, juste un mythe éolien, un fruit confit de la médiocrité, une petite merde copieuse, un faux jeton gras et ingrat... Quant à ton protégé, dis-lui que même s'il crève la dalle, un flic, ça se respecte."
Mais qu'on ne s'y trompe pas. Morituri (Ceux qui vont mourir) publié en 1997, est un coup de gueule, un cri d'alarme et une dénonciation sans concession de l'Algérie des années 90, de la collusion des "élites" corrompues qui utilisent les islamistes et leurs petites frappes pour continuer à tirer les ficelles d'un pays où la terreur règne en maîtresse.
"Depuis que le monde est monde, la société obéit à une dynamique à trois crans. Ceux qui gouvernement. Ceux qui écrasent. Et ceux qui supervisent. Un raïs n'a pas besoin de matière grise, sa couronne lui suffit. Vous, commissaire, votre képi fait parfaitement votre affaire. Contentez-vous de garder vos oeillères bien droites. Le reste, ce n'est pas vos oignons. Il existe, dans la hiérarchie sociale, une force motrice. Elle échappe aux gouvernements et à leurs sujets. Chez elle, la notion de scrupule est nulle. Elle n'a pas besoin de s'embarrasser d'interdits. La seule chose qui la motive est comment botter le derrière à la nation pour qu'elle ne s'endorme pas sur ses excréments."
On y trouve déjà, toutes les prémisses des thèmes des grands romans de Khadra.
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