Fort de sa propre expérience, Jean-Christophe Rufin interroge l'action humanitaire, sa motivation, sa finalité, voire ses limites.
Mais loin d'un discours bien-pensant et culpabilisant, il inscrit ces questions dans une sorte de "road roman", plein de suspens et de rebondissements.
Cinq Français, une femme et quatre hommes, conduisant deux camions d'occasion, sont envoyés en Bosnie, par une association caritative de Lyon, pour y apporter des vivres, des habits, des médicaments.
Au fil du trajet, on découvre les raisons diverses qui ont entrainé ces personnes à s'engager dans ce qui va se révéler une aventure terrible. Mais on va voir également que les espoirs des uns, les illusions des autres, ne vont pas tenir face à l'ambiguité de leur démarche. Et bientôt, les rivalités, les soupçons, les antagonismes créent un climat de guerre au sein même de l'équipe.
"C'était étrange à quel point elle avait changé, en se rapprochant de Marc. Avant et d'aussi loin qu'elle se souvienne, sa révolte était abstraite : elle détestait l'injustice du monde mais n'en voulait à personne en particulier. L'humanitaire lui avait donné le moyen de répondre à cette indignation diffuse. Ce n'était pas satisfaisant et elle avait été peu à peu conduite à s'engager plus directement, à renier le sacro-saint principe de neutralité. Finalement, elle avait suivi Marc dans son idéal de combat. Maintenant, pour elle, le monde n'était plus un magma que travaillaient les forces invisibles du mal. C'était un champ de bataille sur lequel s'affrontaient amis et ennemis. Jusque-là, elle n'avait jamais eu d'ennemi. Tout au plus avait-elle rencontré des adversaires. Ce n'était pas la même chose. Face à un adversaire, on lutte. Un ennemi, on l'élimine."
Les check-points tant redoutés, se révèlent finalement le problème le plus facile à résoudre.
Jean-Christophe Rufin a décidé de placer cette épopée dans l'hiver blanc et implacable de la Bosnie, ce qui donne un aspect encore plus dramatique à la question essentielle qu'il pose finalement tout au long de son roman : la véritable aide à apporter aux victimes ne serait-elle pas de leur donner les moyens de se défendre en les armant ?
Mais dans la postface concise il va même plus loin et pose la question même de son engagement personnel : "Des victimes que l'on a envie d'aimer d'un amour particulier : celui qui incite à prendre les armes".
Je ne sais pas quand mais je le lirai un jour, j'aime beaucoup l'écriture de J.C. Rufin.
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