mardi 30 juillet 2013

Sofi Oksanen : PURGE, Stock, 2010


S'il y a un pays dont je ne connaissais rien de l'Histoire, si ce n'est son indépendance suite à l'effondrement de l'URSS, c'est bien l'Estonie. 

Mais ne vous y trompez pas, ce livre n'est pas un livre d'Histoire, mais bien un réquisitoire contre le totalitarisme soviétique. Mais pas seulement, c'est aussi le portrait de deux femmes qui luttent, malgré les apparences, contre la violence qui leur est faite.

Quand la vieille Aliide trouve Zara recroquevillée dans son jardin, elle est loin de se douter de tout ce que cette rencontre va faire remonter en sa mémoire. Elle n'a jamais eu le beau rôle, elle a même accepté d'être l'instrument du destin de sa soeur, de son beau-frère et de bien d'autres, pour survivre sous une occupation sans pitié. 

"Les mains d'Aliide furent attachées dans son dos et un sac fut mis sur sa tête. Les gars se retirèrent. A travers le jute, elle ne voyait rien. Quelque part, de l'eau gouttait par terre. L'odeur de la cave passait à travers. La porte s'ouvrit. Des bottes. Le chemisier d'Aliide fut déchiré, les boutons projetés sur les dalles, sur les murs, les boutons de verre allemands, et puis... elle se transforma en souris dans un coin de la pièce, en mouche dans la lampe, elle s'envola en clou dans le carton mural, en punaise rouillée, elle était une punaise rouillée dans le mur. elle était une mouche et elle allait avec une poitrine de femme dénudée, la femme était au milieu de la pièce avec un sac sur la tête, et elle surmontait la récente contusion, le sang s'était accumulé sous la peau de sa poitrine, les bleus étaient traversés par une fissure qui laissait passer une mouche, les hématomes des mamelons gonflés comme des continents. Quand la peau nue de la femme toucha les dalles, la femme ne bougeait plus."

Cette "scène" d'interrogatoire hante encore, des années après la vieille Aliide. Et c'est pour ne pas revivre ce cauchemar, qu'elle décide de franchir le pas et de jouer le jeu du pouvoir. Mais la lecture des rapports de la police politique figurant en fin de roman nous montre à quel point ce répit fut illusoire.

Ce livre est passionnant, ce d'autant plus que le récit n'est pas linéaire, et que les chapitres nous font passer de la période actuelle, à des épisodes du passé, un peu comme des flashbacks, et que les rapports entre les différents personnages se dévoilent petit à petit.

Le style, le rythme des phrases, expriment à merveille la peur sourde qui hante ces deux femmes. 

Pas étonnant que ce romans ait reçu plusieurs prix et que Sofi Oksanen soit considérée comme l'un des écrivains les plus importants de sa génération dans sa Finlande natale.

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