dimanche 19 septembre 2010

Claudie Gallay : DANS L'OR DU TEMPS, Ed. du Rouergue, Babel 2006


J'ai poursuivi ma découverte de Claudie Gallay par la lecture de "Dans l'or du temps", dont le titre fait référence à l'épitaphe qui figure sur la tombe d'André Breton : "Je cherche l'or du temps". André Breton, le pape (et le mot n'est pas trop fort) des Surréalistes, dont j'ai dévoré les livres entre 15 et 17 ans – mais que j'ai trouvé illisible et bien vieilli, lorsque j'ai repris "Nadja", il y a quelque temps. Le portrait que l'auteure en fait n'est d'ailleurs pas dépourvu d'une certaine distance critique, notamment en ce qui concerne le pillage des kachinas hopis, par les intellectuels et artistes français exilés en Amérique durant la deuxième guerre mondiale. 


Le roman semble avoir pour point de départ la fascination des surréalistes pour la philosophie hopie, pour qui, l'univers n'est pas seulement celui du visible, mais tout autant celui de l'imaginaire et de l'invisible. Mais comme il ne s'agit ni d'un manifeste, ni d'une étude ethnologique, Claudie Gallay bâtit un vrai roman, dans lequel cette rencontre inégale entre deux cultures, est dévoilée par petites touches. 

Un jeune homme, en vacances avec femmes et enfants, en Normandie, rencontre par hasard une voisine âgée. Cette dernière, fille de Victor Berthier, photographe du cercle des surréalistes en exil, a, en 1945, accompagné son père dans les villages hopis de l'Arizona.


"Des gosses les attendent. Ils veulent leur vendre des arcs de cérémonies, des bâtons de prière auxquels ils ont accroché des plumes. De dinde ou de moineau ? Des pahos à touristes. Breton n'en veut pas. 
Les enfants s'éloignent et puis ils reviennent. Avec d'autres bâtons. Ils disent que les plumes de ces pahos-là sont des plumes d'aigle sacré. Breton ne les croit pas. 
Elisa rit. Elle leur donne des bonbons. 

Berthier achète quand même un pahos pour pouvoir continuer à prendre des photos sans être trop inquiété. 
Breton quitte le groupe. Il a vu une jeune femme assise sur le devant de sa maison. Près d'elle, un bébé de quelques semaines attaché sur une planche-berceau. 
L'enfant. Presque ligoté. (…) 
Breton rejoint le groupe. Il est heureux. A l'intérieur de son sac, un très beau kachina qu'il vient d'acheter à cette jeune femme après quelques négociations. (…) 
Pour Breton une identification est possible. Un échange. L'impression soudain qu'il peut dialoguer avec l'invisible. Il le dit : 
Je veux m'approprier leur pouvoir." 

Au fil des jours, une relations ambiguë, souvent conflictuelle, se développe entre la vieille dame et cet homme, au point qu'il néglige de plus en plus sa vie familiale. C'est au moment où la rupture est consommée que sa voisine parvient à lui confier son secret le plus douloureux. 

"- N'allez pas croire. J'ai essayé de raconter cette histoire à d'autres. Je n'ai trouvé personne. Vous seul… 
Elle a poussé la porte. Nous étions dans la pièce au sapin. Près de la table. 
Elle a fait le tour de la table. Lentement. 
- C'était Noël… Notre premier Noël d'après-guerre. 
De sa main, elle frôlait le dossier des chaises. 
- Ma mère devait être ici, et là, c'était la place de Clémence… Elle a continué. Nommant tour à tour chacun des convives. Les convives de l'absence. - Ici, la place de mon père. 
Son regard errait sur cette table. Comme indifférent.
- Il neigeait ce jour-là. 
Elle a esquissé un geste. Et puis elle s'est reprise.
Elle a commencé à raconter. 
- S'il n'avait pas neigé… mais il neigeait et mon père était photographe. La neige sur Etretat. Il a dit qu'il faisait l'aller-retour. (…)" 

L'ambiance de ces rencontres et le style de Claudie Gallay m'ont fait penser à Marguerite Duras. La Normandie ? La relation Duras-Andréa ? Je ne saurais dire. Mais c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai lu ce roman, même si, j'ai trouvé que le personnage du jeune homme, et surtout les passages concernant la déroute de sa vie familiale, sont un peu négligés. Peut-être est-ce délibéré de la part de l'auteure, puisqu'il n'est que le support qui permet à la vieille dame de se libérer de son fardeau.

2 commentaires:

  1. Pour moi aussi, illisible, Nadja, et la plupart des Surréalistes que j'ai lus, comme toi, dans ma jeunesse...

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  2. Je n'ai jamais lu cette auteure dont j'entends pourtant parlé souvent et en bien, il y a tellement d'autres lectures mais un jour...
    Je viens de lire l'article sur les poupées Hoki, je ne connaissais pas cela, merci de toutes ces connaissances nouvelles, je ne savais pas qu'il existait six points cardinaux !

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