samedi 22 juillet 2017

Yasmina Khadra : LES HIRONDELLES DE KABOUL, Juillard, 2002


De la lapidation d'une femme pour cause de prostitution tout au début à celle d'un homme pour cause de démence tout à la fin, ce roman nous entraîne dans la spirale de horreur de la vie quotidienne en Afghanistan, juste après la fin de l'occupation russe et au moment de l'installation de la dictature que font régner les talibans sur les corps et les esprits.

On a beaucoup dénoncé l'obligation faite aux femmes de porter le tchadri, "ce monstrueux accoutrement qui la néantise" et Khadra n'est pas en reste, mais son roman va plus loin, beaucoup plus loin. A travers l'histoire de deux couples de conditions bien différentes, deux couples qui s'aiment, il développe une condamnation sans appel du régime des talibans. Il en démontre les outrances et les effets destructeurs sur une population réduite à un état infra-humain.

"Longtemps, je m'étais faite à l'idée que ton coeur s'était fossilisé, que plus rien ne pourrait faire frémir ton âme ou te faire rêver. Je t'ai vu, jour après jour, devenir l'ombre de toi-même, aussi insensible à tes déconvenues qu'un rocher à l'érosion en train de l'effriter. La guerre est une monstruosité et ses enfants ont de qui tenir. Parce que les choses sont ainsi faites, j'ai accepté de partager ma vie av quelqu'un qui n'ambitionnait que de courtiser la mort. Au moins, de cette façon, j'avais une raison de croire que mon échec n'était pas de mon ressort. Et puis, cette nuit, j'ai vu de mes propres yeux, l'homme que je croyais irrécupérable se prendre la tête dans les mains et pleurer. J'ai dit, c'est la preuve qu'une lueur d'humanité subsiste encore en lui. Je suis venue souffler dessus jusqu'à ce qu'elle devienne plus vaste que le jour."

Mais Khadra n'oublie jamais l'ironie, celle qui sauve, qui offre une revanche, qui permet, tout du moins d'essayer, de se relever, et c'est bien le tchadri qui permettra à l'une des deux femmes de sauver l'autre, en trompant leurs persécuteurs.

Un roman important, presque comme toujours, avec Yasmina Khadra.

1 commentaire:

  1. Les livres de Khadra sont des souffrances.. J'hésite parfois à le lire, mais comment renoncer à son témoignage caustique mais toujours lucide?

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