lundi 10 septembre 2018

Alexandre Papadiamantis :L'ILE D'OURANITSA et RÊVERIE DU QUINZE-AOÛT, Cambourakis, 2013,2014

Une très bonne initiative de la part des éditions Cambourakis que d'avoir réédité cette séries de 17 nouvelles écrites entre 1888 et 1908 par Alexandre Papadiamantis. 

Je connaissais cet auteur pour avoir lu, il y a déjà bien longtemps son roman "Les petites filles et la mort". J'y ai retrouvé une société rude, empreinte de principes et de rigidité tout orthodoxes. Des vies soumises aux préceptes religieux, à la rigueur des rites, où la notion même de  liberté intellectuelle n'a aucune place, ou nécessite une transgression périlleuse. De l'enfance à l'âge adulte, les hommes luttent contre la tentation des chemins de traverses, contre la tentation du retrait de la société, les femmes quant à elles n'existent que par leur statut de vierges, épouses et surtout de mères. 

Et pourtant ! Ces pages sévères sont traversées de fulgurances sensuelles, d'élans amoureux, d'émerveillements face à la mer et à la nature. Chaque nouvelle nous raconte le moment où le personnage fait un pas de côté.

"Sous le Chêne royal" nous conte l'amour inconsidéré d'un jeune garçon pour cet arbre δρυς qui, il faut le savoir, est féminin en grec. Il s'échappe de la surveillance de ses parents et 

"J'étais fourbu, en nage, hors d'haleine. A peine arrivé, je me jetai sur l'herbe, me roulai sur les coquelicots et les fleurs des champs. J'éprouvais cependant un bonheur secret, un plaisir merveilleux. Je rêvais en levant les yeux vers les branches épaisses, j'ouvrais et fermais mes lèvres avec volupté au souffle de la brise qui faisait bruire le feuillage. Des centaines d'oiseaux venaient chercher le repos dans la ramure et entonnaient les chants débridés... La fraîcheur, le parfum et la joie faisaient fondre mon coeur... (...)

Il me sembla que l'arbre - car je conservais dans mon sommeil la notion d'arbre - changeait peu à peu d'apparence, d'état et de forme. A un moment, je crus voir à la racine du chêne deux jambes bien galbées, collées l'une à l'autre, qui ensuite se décollaient peu à peu et finissaient par se séparer. Le tronc me parut se remodeler pour prendre la forme d'une taille, d'un ventre, d'une poitrine aux deux seins retroussés avec grâce."

La traduction de René Bouchet fait ressortir le classicisme de la langue utilisée par Papadiamantis, sans tomber dans un style ardu et précieux. Elle rend hommage à celui qui est considéré comme le père de la littérature moderne en Grèce. 

2 commentaires:

  1. J'avais trouvé "Les petites filles et la mort" assez horrible et très dur. Les envolées lyriques que tu relates me paraissent pouvoir atténuer cette première impression d'un écrivain à la plume très riche! Merci!

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