lundi 21 février 2011

Linn Ullmann : JE SUIS UN ANGE VENU DU NORD, Actes Sud, 2010

Un père, trois filles, rien d'extraordinaire en cela, si ce n'est que les trois filles sont de mères différentes et ne se rencontrent que pendant les vacances d'été, dans la petite station balnéaire de l'île d'Hammarsö.

25 ans après la fin des dernières vacances en commun, Erika, l'aînée, décide de retourner sur l'île pour y rencontrer son père. Ce dernier, suite à la mort de sa femme, s'y est retiré après une brillante carrière de médecin et a souhaité ne plus voir personne, même pas ses filles.

Durant le trajet qui la mène d'Oslo à l'île Suédoise, Erika se remémore les étés passés, l'arrivée successive de ses deux sœurs, la bande d'adolescentes qui se retrouvaient sur  un rocher de la plage, leurs jeux, leurs confidences, leurs connivences, leurs rivalités souvent. Elle repense surtout à un certain Ragnar, frêle garçon, se tenant toujours à l'écart des autres, mais dont elle était éprise en cachette. Elle se rappelle son père, qui ne transigeait jamais sur ses heures de travail, celles où les enfants devaient sortir de la maison et n'y revenir qu'après un signal bien précis.

C'est l'hiver. La route est mauvaise. Son père ne désire pas la revoir. Elle hésite à continuer son chemin. Elle appelle sa cadette, Laura, et lui propose de la rejoindre et pourquoi pas de convier également la dernière Molly. À trois, ce devrait être plus facile d'affronter ce père, avec qui elles n'ont eu, depuis trop longtemps, que quelques échanges téléphoniques. 

C'est un roman au rythme très lent – on n'est pas la fille de Bergman pour rien ? –  qui nous tient cependant en haleine, car petit à petit, souvenirs de l'une des soeurs après souvenirs d'une autre, on comprend que quelque chose est arrivé, quelque chose qui a provoqué la fin du rituel des vacances partagées. C'est aussi le roman de la fin de l'enfance et de l'innocence.
J'ai aimé, le style, le découpage en "séquences" de deux ou trois pages, et la véracité des liens qui unissent ces trois sœurs, entre elles d'abord, à leur père aussi. La vie est faite de règles et de principes à suivre et à respecter, mais cela n'empêche nullement les moments de tendresse paternelle, les fous rires et la complicité des sœurs lorsqu'elles arrivent à les détourner.


-      "Viens Laura, je vais te montrer quelque chose, dit Isak.

Elle sauta du mur en pierre et rejoignit son père. Elle constata qu'il la regardait. Regardait sa robe blanche. Isak voyait-il qu'elle était devenue belle, qu'elle avait de longues jambes bronzées et des fesses bien ferme ? Elle avait désormais douze ans. Isak était près du secrétaire en bouleau que personne n'avait le droit de toucher à cause des documents importants qu'il contenait.

-       Viens ici, tu vas voir quelque chose de magnifique, dit Isak.

D'abord il abaissa l'abattant ce qui révéla deux grandes rangées de tiroirs puis, entre elles, deux autres rangées de petit tiroirs. Chaque tiroir avait un bouton blanc en ivoire. Si l'on introduisait la main entre les deux rangées de petits tiroirs et écartait une petite moulure qui semblait – si l'on ne faisait pas attention – n'être qu'un ornement, on découvrait encore un tiroir. Un tiroir secret. Un tiroir invisible.

-       Devine ce que je garde ici, dit Isak.

-       Des documents importants, dit Laura.

-       Pas du tout, dit Isak. Essaie encore.

-       Des photos d'embryons morts, dit-elle d'une voix hésitante.

Isak sourit, introduisit la main dans le tiroir et en sortit une petite boîte verte imprimée de lettres dorées.

-       Du chocolat haut de gamme ! dit-il. Tu en veux ?

Laura hocha la tête. Chaque morceau de chocolat était entouré d'une enveloppe fine comme du papier de soie, le chocolat était noir et granuleux et fourré de menthe à la crème. Laura mangea le chocolat. Il était tellement bon qu'il fut vite fini. On en désirait immédiatement un autre.

-       Je peux en avoir encore un ?

Isak secoua la tête et remit la boîte verte ans le tiroir.

-       On ne peut pas en prendre deux. On ne peut en prendre qu'un seul. Exceptionnellement, on en a droit à deux. Mais jamais à trois.

-       Super bon, dit-elle avec un sourire. Bohonot !

Isak la regarda d'un air interrogateur. Laura parlait le langage secret que même Isak ne comprenait pas. Il haussa les épaules et revint à son bureau. Laura resta devant le secrétaire.

Erika et Ragnar croyaient qu'elle avait laissé tombé, qu'elle n'avait jamais réussi à apprendre le langage secret. Elle le leur laissait croire."



Un livre plaisant.

4 commentaires:

  1. A lire tes lignes, j'ai envie de connaître ce roman !

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  2. @ Norma : Oui, c'est un livre qui devrait te plaire. Les relations entre les personnages sont particulièrement bien vues.

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  3. Oui, on a envie de le lire et je me le mets tout de suite sur ma liste de "à acheter". Merci !

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  4. @Gine : c'est Elisabeth qui me l'a offert. Elle a beaucoup aimé aussi.

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