mercredi 28 septembre 2016

Henry Miller : LE SOURIRE AU PIED DE L'ECHELLE, Ed. Petite Ourse, 1962


Un petit mot d'abord sur l'édition. C'est dans la bibliothèque de ma mère que j'ai trouvé cet ouvrage publié par un éditeur de Lausanne, qui, dans les années 50-60, semble avoir sélectionné des ouvrages assez confidentiels même si émanant d'auteurs connus.

C'est ainsi que je suis tombée sur ce petit roman d'un Henri Miller, bien différent de celui que j'avais découvert autour de mes 16 ans, et que j'ai eu bien de la peine à relire plus tard, le trouvant particulièrement nombriliste. 

Ici, on a presque affaire à un récit philosophique non dénué par ailleurs de poésie. En guise d'épilogue, Henri Miller, explique : "De toutes les histoires que j'ai écrites, peut-être celle-ci est-elle la plus singulière. Je l'ai écrite tout exprès pour Fernand Léger, pour accompagner une série d'illustrations sur le thème des clowns et du cirque."

Peut-être que la reproduction ci-après faisait partie de ces illustrations :

Fernand Léger, 1950

Alors qu'Auguste lassé du succès obtenu avec sa "simulation de l'extase" au pied d'une échelle décide d'abandonner le métier de clown, il est amené à remplacer au pied levé un de ses confrères, bien moins apprécié du public et certainement bien moins talentueux. Il décide de lui d'offrir cette représentation dans dévoiler son identité et de lui permettre ainsi de devenir à son tour célèbre. Mais la vie en décide autrement...

Ce récit pose la question de l'identité, du succès, du bonheur même, sur un ton de modestie que je ne connaissais pas à Henri Miller.

"Bon, il y a une chose que je comprends, à présent... mon bonheur était réel, mais sans fondement. Il me faut le rattraper au collet, mais cette fois honnêtement. Et m'y cramponner des deux mains, comme à un bijou inestimable. Apprendre le bonheur en tant qu'Auguste, comme le clown que je suis".

Etonnant ! Je suis presque réconciliée avec Miller...

mardi 27 septembre 2016

Anne Cuneo :HOTEL DES COEURS BRISES, Campiche Ed. 2004



Le monde du sport et qui plus est celui du cyclisme n'a rien pour m'intéresser et pourtant, j'ai dévoré ce livre à la vitesse d'un vélo en roue libre dans une grande descente.

Après cinq ans de recherches, de collection de "petites phrases", de suivi de courses à la renommée internationale, Anne Cuneo renoue avec son personnage, l'enquêteuse Maria Machiavelli, pour nous offrir un  roman passionnant, presqu'un documentaire, sur le dopage, son engrenage, ses responsables et surtout sur ces conséquences. 

"J'avais essayé dix intrigues différentes. Le tilt s'est produit lorsqu'un médecin sportif m'a dit, entre deux portes, que la mortalité par arrêt cardiaque chez les sportifs était cinq fois supérieure à celle de la population, et même dix fois supérieure à celle de leur catégorie d'âge !"

Suite à la mort de leur enfant, trop vite classée comme naturelle, un couple de Lausannois s'adresse à Maria Machiavelli pour découvrir si oui ou non leur fils se dopait, si oui ou non son décès pouvait être imputé à la prise de ces substances. 

Non seulement on apprend beaucoup de choses sur ce monde fermé et secret, mais Anne Cuneo réussit un vrai roman, avec des personnages qui sonnent vrai, des rebondissements, des intrigues, des fausses pistes et bien sûr des sentiments. 

Ces enquêtes de Maria Machiavelli m'étaient jusqu'ici inconnues, mais elles sont de la même veine que les grands romans historiques que cette auteure nous a offerts, elle qui va toujours au fond des choses sans jamais oublier qu'elle est d'abord une littéraire.

dimanche 18 septembre 2016

Delphine de Vigan : D'APRES UNE HISTOIRE VRAIE, JC Lattès, 2015


Comment ne pas penser à "Misery" de Stephen King ? D'ailleurs Delphine de Vigan reconnaît elle-même cette influence. Mais le propos va plus loin que l'emprise d'une personne sur une autre, il interroge le métier d'écrire. 

La narratrice, double de Delphine de Vigan, se trouve en panne sèche après un grand succès littéraire, au point de ne plus pouvoir ouvrir son ordinateur, et même tenir un simple stylo. C'est dans cet état de faiblesse qu'elle rencontre  L., une femme qui, sous prétexte d'amitié, la séduit au point de s'immiscer dans son intimité et d'en arriver jusqu'à la remplacer. Alors qu'elle prétend l'aider à se remettre à l'écriture, elle ne fait qu'empirer la situation, en contestant à Delphine le droit de fiction. Selon elle, la seule chose qui intéresse les lecteurs, c'est de savoir que l'histoire racontée est "vraie".

"- Mais on s'en fout de cette vérité, on s'en contrefout !
- Non, on ne s'en fout pas. Les gens le savent. Ils le sentent. Moi je le sais, quand je lis un livre.
Pour une fois j'avais envie d'argumenter, de chercher à comprendre.
- Est- ce que tu ne crois pas que tu le sens, comme tu dis, simplement parce que tu le sais ? Parce qu'on a pris soin de te faire savoir d'une manière ou d'une autre qu'il s'agissait d'une histoire vraie, ou "inspirée de faits réels" ou "très autobiographique", et que cette simple étiquette suffit à susciter de ta part une attention différente, une forme de curiosité que nous avons tous, moi la première, pour le fait divers ? Mais tu sais, je ne suis pas sûre que le réel suffise. Le réel, si tant est qu'il existe, qu'il soit possible de le restituer, le réel, comme tu dis, a besoin d'être incarné, d'être transformé, d'être interprété. Sans regard, sans point de vue, au mieux, c'est chiant à mourir, au pire, c'est totalement anxiogène. Et ce travail-là, quel que soit le matériau de départ, est toujours une forme de fiction."


J'ai eu un peu de mal à m'intéresser à la première partie de ce roman, celle consacrée à la séduction, mais je dois dire que plus j'ai avancé dans la découverte de cette auteure et de son propos, plus j'ai été prise par le sujet de l'emprise psychologique, mais également par celui, en toile de fond, de la création littéraire. 
Je ne dévoilerai pas la fin pour ne pas gâcher votre plaisir. Delphine de Vigan m'a finalement impressionnée par la maîtrise des différents niveaux de compréhension de son roman. 

vendredi 16 septembre 2016

Arto Paasilinna : LE FILS DU DIEU DE L'ORAGE, Denoël, 1993 (1984)


Quoi de mieux qu'un ciel bien nuageux pour parler de ce roman même si le tonnerre ne se fait pas entendre.

C'est avec son humour bien connu que Paasilinna fait descendre sur terre le fils du dieu de l'Orage, le Zeus du panthéon finnois. En effet, les dieux de l'antiquité se désolent de constater que leur culte n'est quasiment plus pratiqué en Finlande et décident d'y remédier en s'inspirant de la méthode utilisée par le dieu des chrétiens. Le fils du dieu de l'Orage, qui s'appelle Rutja, investit le corps de Sampsa, un simple brocanteur d'Helsinki.

"Le rocher trembla, la forêt et le monde entier se mirent à danser devant les yeux de Sampsa. Soudain, Rutja le saisit dans ses bras, ouvrit toute grande son énorme bouche barbue et commença à de dévorer. Leurs corps s'entre-pénétrèrent, comme deux serpents s'avalant l'un l'autre. Jamais au monde il n'y eut étreinte plus formidable. Rutja mangeait Sampsa, Sampsa mangeait Rutja. Ils se coulaient implacablement dans la peau l'un de l'autre, soufflant, gémissant, les membres agités de soubresauts violents".

Muni de sa nouvelle enveloppe charnelle, Rutja découvre la condition humaine, ses plaisirs et ses peines, et se lance dans la reconquête du peuple finnois. Il s'inspire largement de la Bible, et comprend très vite le rôle persuasif des miracles. 

Paasilinna s'amuse de la situation, et nous fait passer un moment agréable. Même si certaines péripéties sont des plus cocasses, elles n'atteignent pas encore le burlesque des "Mille et une gaffes de l'ange gardien Ariel Auvinen". 

Comme quoi, il est possible de parler de religion sans se prendre la tête !